L’ordinateur est déjà installé dans mon nouvel
appartement. L’adresse électronique ne change pas. Le technicien à peine parti,
j’ai entrepris tout de suite de voir mon courrier. Il y en avait. Comme l’on
pouvait prévoir, le premier message que
j’ouvris était de toi… J’aime habiter dans mon nouvel appartement. À vrai dire
j’ai tout en ordre, il me faut juste installer la chaîne stéréo. Je me sens fatigué,
mais de bonne humeur. Je vais maintenant à la fête des finalistes de mon Lycée.
La lettre que je
viens de lire m’a été agréable, car tu t’adaptes bien à ton nouveau petit coin,
the corner of your own1. En même temps, cette lettre m’a
donné l’occasion de me rappeler une foule de souvenirs, à moitié oubliés, mais
latents, liés aux maisons et aux déménagements respectifs et à leurs
complications […]. Ton changement de maison et de ville a dû être la meilleure
et la plus sage décision que tu aies prise ces dernières années. Il devenait
insupportable et déprimant d’habiter, durant quatre décennies environ, dans la
même petite ville où tu as tant souffert, physiquement et
psychologiquement ! […] La maison est notre miroir, ou, comme le dit un
proverbe anglais : An Englishman’s
home is his castle2 … Et ta nouvelle maison, située loin des
souvenirs massacrants, non souillée par des amertumes ou des esprits, deviendra
ton refuge… N’accroche pas aux murs les portraits des fantômes qui te
tourmentent. Range tes affaires lentement, cette tâche est un calmant, mets tes
livres à portée de la main et de l’esprit. Ils te tiendront une agréable
compagnie, silencieusement (mieux encore), qui sait s’ils ne t’offriront pas
une intimité affectueuse, précisément parce qu’ils sont naturellement aveugles,
sourds et muets. Dans un resserrement plus aigu de solitude, tu sais qu’ils
sont là à ta disposition et tu pourras, à tout moment, leur poser les questions
les plus absurdes, ils ne se fâcheront pas ni ne bouderont si tes visites sont
espacées. Ils n’arrosent pas la fleur de
la jalousie et écoutent encore moins les mauvaises langues. Grâce à leur nature
et à leur rôle, ils sont tolérants et ne se plaignent jamais. Si quelque
souvenir des plus vifs vient subitement frapper à ta porte, mets-le dehors et sors :
marche, va à la piscine, évoque un souvenir agréable et demande-lui d’expulser
le mauvais… Je suis sûr que ce changement de maison et de ville sera le
commencement d’une nouvelle phase dans ta vie. Savoure-la en toute plénitude. Lorsque
tu ouvriras la porte, n’oublie pas de nettoyer tes pieds, pour qu’aucune
poussière obstinée de ta mémoire perturbée ne puisse y entrer. Difficile? Sans
aucun doute! Mais l’impossible n’est pas, ni n’a jamais été, domicilié dans le royaume
de la volonté. Tu dois te souvenir que tu m’as téléphoné la veille de ton
déménagement. Tu t’en souviens sans doute. Touchée par l’ombre ta voix ne m’a pas
trompée. Cela m’a perturbé : j’ai pressenti une rechute de dernière heure…
Je me suis contenu juste à temps, je ne pouvais pas te le révéler dans l’intonation
de ma voix, qu’une inquiétude soudaine m’avait envahie […]. Chaque fois qu’ils
déménageaient, certains membres de notre famille la plus proche étaient enclins
à souffrir de graves troubles psychologiques. Tu te souviens de Maria Manuela, surnommée
Mané, la fille de tante Maria da Ascensão ? Avant de partir en Amérique, elle a
déménagé sept fois! Pour paraphraser le poète Manuel Alegre, on dirait qu’elle était
à la recherche de la maison qui n’existe
pas…
J’ai eu de la chance
de ne pas être entré dans un tel tourment héréditaire : seul le fantôme de
la villa de l’Alto da Granja m’a
poursuivi pendant quelque temps, surtout dans mes rêves et dans mes cauchemars.
Au final, avec une demi-douzaine de sorties en haut, tôt le matin, pour faire
du jogging, j’ai affronté le spectre qui me rongeait les viscères les plus
nobles et, peu à peu, le spectre de la mémoire affective s’est éteint. Je fus
exorcisé de l’apparition impertinente.
Avant cela, et alors
que j’étais encore étudiant, j’ai changé de chambre et de rue au moins trois
fois et cela ne m’a pas surpris. Ma maison sur l’île, qui donnait sur la mer et
qui se trouvait en face d’une autre sœur jumelle, me servit d’ « ersatz »,
ou si tu préfères, de placébo. »
(Cristóvão de Aguiar e Francisco de Aguiar, Catharsis. Dialogue épistolaire en forme de roman, Lápis de Memórias, avril 2011, pp.11-12-13-14).
Fonte:
28.3.12
(Cristóvão de Aguiar e Francisco de Aguiar, Catharsis. Dialogue épistolaire en forme de roman, Lápis de Memórias, avril 2011, pp.11-12-13-14).
Fonte:
Em colaboração com os Colóquios da Lusofonia EM 2012 os estudantes de Mestrado, coordenados pela incansável Rosário Girão (Universidade do Minho, Departamento de Estudos Românicos no seu Mestrado de Tradução e Comunicação Multilingue) estão a trabalhar traduções em Francês de vários excertos de autores açorianos contemporâneos (ou o princípio ou o fim de cada obra selecionada) pelo que aqui publicaremos essas traduções depois de enviadas para os autores apreciarem. Chrys Chrystello AICL
Étudiante : Virginia Henry Martins28.3.12
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